Entre ombre et lumière

[Réservé: Camille Galineas]

La nuit, certaines ombres peuvent être trompeuses...telle celle qui s'étalait sur le sol, longue, et qui semblait représenter une sorte de monstre avec des griffes démesurées. Pourtant ce n'était pas un monstre, c'était simplement Raphaël venu profiter de la sérénité et de la paix qui émanait des lieux. Travestie et vêtue d'une chemise blanche et d'un pantalon noir amples, ce dernier retenu par des bretelles, on aurait dit un être à l'identité sexuelle indéfinie, et lorsque l'on voyait les longues lames de métal qu'elle arborait à la place des mains, on pouvait même se demander si ce n'était pas une créature assexuée, déambulant entre le couvert des arbres et les rayons de lune.

Tranquille, d'une démarche gracieuse et nonchalante, Raphaël _nous la considèrerons comme un garçon lorsqu'elle est travestie_ pouvait passer pour un artiste un peu fou et négligé en quête d'inspiration. Il admirait le paysage et s'imprégnait de l'atmosphère ambiante. La neige renvoyait en de scintillants éclats la lumière argenté qui tombait du ciel avec eux, comme si des milliers d'étoiles avaient décidées de s'échapper du ciel pour recouvrir la terre d'un manteau à la blancheur immaculée. Tout semblait si pur, hors du temps, comme un instant qui reflèterait l'éternité. Et Raphaël, être lui-même intemporel, marchait dans ce paysage, laissant l'empreinte de ses pas sur le tapis qui recouvrait le parc de Leidenstal. Il adorait le parc pour plusieurs raisons: tout d'abord car il se sentait extrêmement bien dans la nature, celle-ci ayant le don de l'apaiser ou de l'inspirer, et aussi car c'était un des seuls endroits de la ville où elle avait quelque droit. Et puis, à cette heure tardive, personne ne serait là pour le juger. Il n'avait jamais compris pourquoi tant de gens se fondaient sur l'apparence pour émettre un avis...même pire, parfois l'opinion d'une personne avait pour seule base la nature ou le physique de l'être...

Comme par exemple les Tueurs, dont il avait vaguement entendu parler, et qui désirait mettre fin à la vie de toute créature sans prendre en considération leur valeur. Enfin il y avait tant de rumeurs qui couraient sur chacun des clans qu'il était difficile de dissocier le vrai du faux. D'ailleurs tout ne pouvait être véridique: comment imaginer que des individus humains soient tellement fanatiques qu'ils tuent hommes, femmes et enfants simplement pour obéir à des préceptes ridicules. Mis part si on leur avait fait à tous un nettoyage de cerveau, cela paraissait trop abherant pour que ce fût possible. Mais il était loin de ces préoccupations politiques ou morales, en ce moment où il ne voulait que profiter de la sensation des flocons mourrant doucement sur sa peau ou dans ses cheveux après les avoir fait scintiller un instant éphémère, entendre la mélodie des arbres sous les caresses du vent, jouir de cette sensation de faire partie d'un tout, de cette douceur, de ce calme...

Il n'y avait pratiquement âme qui vive, et Raphaël en profita pour s'allonger dans l'herbe recouverte de neige, ne craignant pas le froid et pouvant donc profiter de la vue du ciel à loisir, éclairé par l'astre nocturne car ne s'étant réfugié sous aucune ombre. Il se souciait peu du spectacle qu'il offrait, préférant celui que lui donnait les cieux. C'était une sensation étrange que de voir tous ces petits points blancs venir vers lui, se poser sur lui ou tout autour de lui, se superposant aux étoiles lorsqu'il y avait un trou parmi les nuages dont les traînées étaient éclairés par la lumière de la nuit. Il était bien, profitant de chaque seconde, tous les sens en éveil pour capter tout ce que voulait bien lui offrir mère nature...

Soirée de velours dans un cocon de neige silencieuse, la nuit avait depuis quelques heures déjà laissé glisser son voile sur les paysages vidé de toute âme du parc de la cité de Leidenstal. Un silence parsemé du doux bruissement d’une bise glaciale soufflant les gouttes de rosée gelée sur les feuilles des arbres avait envahi les lieux, seul le froufroutement tendre d’un quelconque noctambule troublait cette harmonie de son pas léger sur le blanc tapis recouvrant jusqu’à l’horizon même.
Le visage tourné vers les cimes des arbres où quelques étoiles commençaient à scintiller gracieusement. Le calme des lieux emplissait l’esprit de l’homme, toutes les frasques de jadis lui paraissant fort loin en un tel paysage. Il souriait. Un sourire fragile et cristallin, innocent en son visage aussi blanc que les flocons tournoyant dans les airs.

Sa veste sombre était parsemée de petites constellations de cristaux, luisant fébrilement sous les rayons lunaires. Il tendit sa main gantée, la paume vers le ciel. Quelques flocons vinrent s’y poser avant d’y mourir, fondant lentement sous la chaude emprise. Camille sentait de tendres souvenirs lui revenir en mémoire, quelconques souvenirs d’enfance où la neige était jeu et rires. Aujourd’hui la neige est froide et l’air glacé lui frôle le visage en une douce caresse. De ses lèvres s’échappent quelques volutes de fumée tremblotante qui disparaissent rapidement, tels des murmures secrets, à peine prononcé et sitôt disparu. Secrets d’enfants.

Il avance sur le chemin qu’il ne suis désormais que d’après ses souvenirs, la neige ayant tout recouvert de son manteau de pureté immaculé. Il aime la nuit, et il aime l’hiver, cette saison où toute vie semble partie s’endormir en de plus chaudes compagnie, une époque de tristesse nostalgique où les souvenirs apparaissent et disparaissent en une euphorie romantique et agréable. Il n’y a qu’en hiver qu’il puisse sourire ainsi, aussi innocemment qu’un enfant.

Peut être aimerait il de la compagnie en cette nuit câline ? Peut être … Mais durant ces nuits de fraîche tendresse, nul ne sort, nul ne vie, les flammes de l’âtre ne comptent jamais autant de fidèle qu’en ces moments, leur offrant le spectacle gracieux et enivrant des flammes dansantes et se pourchassant sur des braises réconfortante.

Pourtant des traces de pas presque effacée indiquent une vie en ces lieux. Traces légère et frêle d’une personne rêvant à d’autres mondes en flânant, le visage tourné vers le ciel cruel ?

Là une forme semble étendue. Dors t’elle en ce carcan de neige glacée ou rêve t’elle seulement ? A-t-il le droit de troubler par sa présence le repos de quiconque en cette nuit où même le rythme de son cœur ne semble pas troubler le silence des lieux ?

Le silence … troublant lorsqu’on l’écoute attentivement. Gardien des secrets, on raconte que si quelqu’un savait l’écouter, il pourrait comprendre le monde …

Camille s’avance vers la forme allongée. Il ne souhaite pas la troubler, ni savoir qui cela peut être pour le moment. Profiter d’un moment de complicité silencieuse avec un inconnu, chacun savourant le silence de l’autre … Il s’avance vers la forme allongée, jusqu’à ce qu’il puisse en distinguer la forme dans la neige.

Il la regarde. Il n’a aucune idée de qui cela peut être, apparemment un jeune homme rêveur face à l’immensité du ciel. Il le regarde quelque temps, toujours debout dans la neige, comme un salut tacite entre l’un et l’autre.

Puis il s’assoit. Il n’est qu’à quelques mètres de l’inconnu, et nul n’a encore parlé. Le moment lui semble étrange alors qu’il regarde le ciel, songeur à son tour. Demain il devra … il ne sais même plus que sera demain … il ne s’en soucie plus pour le moment. Un îlot de neige dans un océan de brume …

*Savourons* se dit il.

*Savourons …*

Douce ivresse qui lui serrait les sens et le coeur aussi sûrement que le carcan de neige froide qui commençait à enserrer son être. Il se sentait bien ainsi, le froid ne le gênait presque plus, son regard perdu dans le lointain ... La lueur tranquille des étoile tournoyait dans les flocon de neige en de multiples paysages, en de multiples visages ... Quelques sourires aussi ... des sourires comme celui de Camille, sourires fin et fragile comme les flocon cristallins venant fondre sur ses lèvres et au coin de ses yeux, lissant un sillon gelé derrière eux comme une larme qui ne coulerait pas. Et malgré cette larme absente, Camille se sentait soulagés d'un fardeau qu'il n'avait jamais porté.

Et le froid de la neige fini de blanchir sa peau pour glisser dans ses yeux. Il se redressa alors doucement, essuyant du revers de sa manche le flocon intrépide qui lui troublait la vue. Il vit l'inconnu, le visage tourné vers lui. Il ne l'avais pas oublié, loin de là, et son euphorie légère lui était due en partie, l'aidant à ne plus penser à rien, pas même à lui. Où juste à lui au contraire, il n'aurait sus le dire. Mais autant Camille se sentait tendrement bercé par l'instant, autant son compagnon semblait bien plus troublé que lui, et même mal à l'aise. Camille aurait voulut le rassurer, lui dire qu’ils étaient juste compagnon d'un soir, compagnon d’un hiver. Peut être lui dire merci ? Le rassurer au moins ...

"Non, ne ..."
Il venait de murmurer ... son compagnon ne devait pas avoir perçu plus qu'un soupir, et déjà Camille avait l'impression qu'un mot de plus suffirait à rompre le charme fragile et délicat de ce rêve hors du temps ...

Il sourit de nouveau en regardant son l’inconnu. Sans doute ne pouvait il pas même percevoir ses traits et son visage, alors un sourire ... Le silence serein devrait bien se dissiper un jour, mais dans une minute ...

Juste une petite minute ...
Le regard de Camille glissa sur le corps de l'inconnu. Il n'en percevait qu'une forme floue dans l'obscurité nocturne. Peut-être aurait il pus voir plus clair s'il l'avait souhaité, mais tel n'était pas le cas ...
Puis son regard se posa à nouveau sur les étoiles et les flocons de neiges gracieux qu'il suivit des yeux, jusqu'à ce qu'ils viennent s'effacer sur les vêtements de l'individu.
Juste une minute. Un moment de plus et il aurait jurait que la créature s'évanouirait dans la nuit en un mouvement rapide. Serais se une mauvaise chose s'il ne se parlaient pas ? Dans quelques jours l'histoire serait oubliée, ne laissant dans le temps que l'empreinte d'un souvenir confus et tendre qui le ferait sourire dans quelques siècles ...
Mais peut être que cette rencontre serait le moment le plus envoûtant de toutes ces années d'errance étrange ? Bien que d'errance, il n'y en eut qu'en son esprit et non en ses actes ...

Alors Camille se leva. L'empreinte lisse de son corps encore visible dans la neige. Il se leva lentement, profitant encore du silence, faisant volontairement durer le plaisir, le son du tissu froissé troublant à peine les tintement cristallin de la neige gelée tombant sur la couche blanche.

Il se leva, mais ne marcha pas. Pas tout de suite ...
De ses lèvres glissa une douce musique, murmure d'une mélodie calme et lente qu'il chuchotait en un tendre murmure. Et il s’avança vers la silhouette sombre.

Et il lui sourit, il aurait voulut s’asseoir à coté d’elle, mais ne voulait pas la brusquer. L’idée de tomber sur un quelconque danger lui paraissait bien lointaine en cet instant … Il avança lentement, attendant d’être assez près pour pouvoir la contempler … pour voir sa réaction, et ses traits …

Toujours immobile, il observait l'individu...Ce dernier au bout d'un moment sembla remarquer son effroi. Il se mit debout lentement, peut-être pour partir... Raphël se sentait à la fois quelque part soulagé et honteux: il ne voulait pas indisposer l'arrivant ni lui faire croire qu'il était indésirable, mais d'un autre côté il était tellement méfiant qu'il se sentirait plus en sécurité s'il était seul...

Pourtant l'inconnu ne partit pas, il commença tout d'abord à fredonner doucement, comme s'il avait voulu chantonner une berceuse destinée à calmer un enfant, puis il s'approcha lentement, sans gestes brusques... Raphaël ne savait pas s'il lui faisait l'effet d'un félin qui se dirige vers sa proie en silence ou d'un être solitaire et curieux recherchant un peu de compagnie...

Il se redressa et s'assit, tout aussi prêt à discuter qu'à fuir... Néanmoins ses doigts en métal provoquèrent de drôles de bruits, se rapprochant de ceux que font les ciseaux dans leur mouvement. Il doutait maintenant qu'ils aient pu échapper à la vue du jeune homme, le métal reflétant des éclats de lune... Mais peu importe, il aurait bien fini par les apercevoir, seuls les aveugles ne s'en rendaient pas compte. Les genous ramenés devant lui, ses bras enserrant ceux-ci, il leva la tête vers son potentiel interlocuteur, lui jetant un regard intrigué. La lune tombait droit sur son visage et l'éblouissait, l'empêchant de distinguer nettement l'autre personnage. Celui-ci par contre devait pouvoir le contempler tout à son aise à présent...

Il réussit tout de même à apercevoir l'ombre d'un sourire se dessiner sur les lèvres de Camille après que celui-ci eût fini de laisser s'égrener faiblement les notes d'une mélodie inconnue, et se sentit de nouveau légèrement rassuré. La curiosité refaisant surface, il laissa sa voix onctueuse, veloutée et si douce résonner faiblement dans l'air.

"Que...que désirez-vous..monsieur?"

Son ton était hésitant, et l'éphémère moment de silence qui avait précédé le dernier mot était dû autant à son fréquent oubli de l'étiquette qu'à son envie de savoir qui était cet étranger. Et puis autant savoir tout de suite ce que lui voulait le jeune homme. Inutile de s'enfuir à toute vitesse si l'inconnu ne désirait que discuter un moment, ce pourrait être fort déplacé et blesser Camille. Il savait quel effet cela fait de voir les autres prendre leur jambes à leur cou comme s'ils avaient un monstre face à eux... Ils avaient eu nombre de fois cette réaction en le voyant, et chaque fois cela attristait, peinait Raphaël.

Ainsi, il se contentait de fixer l'être proche de lui, l'astre donnant un éclat métallique à ses yeux vermeils et l'aveuglant légèrement. Mais son créateur lui avait bien répété que s'il était fort inconvenant de dévisager les gens, il fallait par contre les regarder et leur montrer de l'attention lorsque l'on était engagé dans une conversation...

Et lentement il s’approcha. Il sentait le vent froid s’engouffrer dans ses cheveux, ses murmures lents et doux masquant à peine le bruit de ses pas sur la neige glacée, l’odeur de la nuit alentour l’enivrait, son regard glissait avec curiosité sur la silhouette de l’individu dans l’espoir d’en percer les contours.

Alors qu’il s’avançait, l’inconnu se redressa à moitié, la lune révélant maintenant son corps et ses vêtements. Un jeune homme au physique agréable apparemment, mais Camille ne parvenait pas encore à déchiffrer l’expression de son visage. Il s’avança tranquillement, nullement pressé de se confronter à la réalité d’une rencontre, mais curieux de savoir ce qu’il en retournerait. Un détail cependant titillait son esprit, lui insufflant l’ombre d’un doute, ou peut être bien l’ombre d’une crainte, envers l’individu, mais il n’arrivait pas à savoir pourquoi encore. Jusqu’à ce qu’un rayon de lune vienne mourir en un éclat argenté … Habitué à être suivit par des tueurs, même si le terme « habitué » est assez loin de la réalité, Camille c’était entouré d’une paranoïa partielle, laquelle se manifestait notamment à la moindre lueur métallique que capté son regard, les métaux quels qu’ils soient étant bien trop souvent signe d’arme blanche, voir parfois d’armes à feu.

Sur la défensive, il stoppa son geste et chercha immédiatement d’où provenait la lueur. Il fut surpris de voir apparaître les mains de son interlocuteur. Scintillant amas de lames que l’on pouvait deviner tranchante, ou au moins perforante … Alors Camille réalisa qu’il ne savait rien de cet être et que s’aventurer si loin dans ce rêve l’avait amener face à un danger potentiel. En réalité se n’était pas vraiment la crainte du danger qui l’animait en ce moment, mais plutôt la désillusion qui commençait à recouvrir le rêve silencieux qu’il avait fait naître et qu’il avait crut partager …

Quelque chose pourtant détonnait par trop dans l’apparence de l’homme en face de lui, formant un contraste flagrant. L’innocence de son visage, l’inquiétude qui transpirait de ses gestes, il semblait en proie à la peur, à la crainte.

"Que...que désirez vous ... monsieur ?"

Oscillant entre les deux apparences de l’être étrange qui à quelques pas de lui, cette phrase le conforta totalement dans ces doutes, ranimant la flamme vacillante de sa rêvasserie. L’homme était au moins aussi troublé que lui, tout deux en proie à la même hésitation face à la suite des évènements. Et là où l’apparence laissait penser à un être dangereux, la forme et le ton dépeignaient quelqu’un de plus doux et de moins absolu, presque un enfant. Et même si ces lames mettaient le doute au cœur de Camille, le poussant à ne pas s’approcher plus de l’homme, le sentiment d’insécurité proche de celui d’un animal craintif qui émanait de l’inconnu l’incita à poursuivre cette rencontre.

Brillant de curiosité de curiosité, et peut-être un peu trop de crainte, le regard de Camille se posa sur celui de Raphaël :

« Camille. Je me nomme Camille. » après quoi le jeune homme marqua une pause plus ou moins prononcée, ne voulant ni froisser ni indisposer son interlocuteur fébrile.

« N’ayez pas peur, je ne vous veux pas le moindre mal, j’ose simplement espérer qu’il en va de même pour vous … monsieur ? »

Il avait parlé d’une voix calme et tranquille, imprimant un léger signe de tête en direction des mains de Raphaël en évoquant ses craintes. Il se préparait également à partir aussi rapidement que possible au moindre geste brusque, mais cela tenait plus du réflexe de préservation que d’une réelle volonté de fuir, Galineas n’étant pas vraiment d’un naturel craintif. Il ne voulait pas parler plus, craignant de faire fuir le jeune homme en face de lui s’il s’engageait dans une réelle conversation dés les premiers mots.

Un moment de tension se fit ressentir dans l'air lorsque l'inconnu découvrit ses mains... mais ce n'était pas tellement étonnant. Raphaël aurait dû s'en douter, et pourtant il n'était toujours pas habitué à la vague de crainte qu'il pouvait inspirer...
Enfin l'inconnu ne semblait pas aussi méfiant que lui, car s'il cessa de s'avancer, il n'en resta pas moins à sa place, au lieu de fuir comme tant d'autres. Cela réconforta un peu le jouvenceau qui en avait assez de se faire traiter de monstre...

Enfin il devait bien reconnaître que son physique était pour le moins inhabituel et loin d'être rassurant. Il écouta attentivement son interlocuteur lui répondre. Ce dernier semblait courtois, et habitué à devoir gérer des situations délicates. Il était beau, poli, aimable...il devait sûrement plaire aux femmes et même aux hommes. Ils pourraient peut-être devenir amis si la confiance s'instaurait entre eux... En tout cas ce ne serait sûrement pas pour déplaire à Raphaël: s'il évitait les avances des hommes en mantière de sexe ou d'amour, il était heureux de recevoir celles qui étaient purement amicales. Il se mit donc en devoir de répondre à son interlocuteur, sa voix pure et caressante se faisant légèrement moins hésitante.

"Raphaël...Raphaël aux mains d'argent..."

Son regard se voila légèrement à ces derniers mots. Il n'aurait jamais de mains, il ne pourrait pas jouer d'instruments comme son créateur l'aurait voulu et comme il l'aurait aimé, il verrait se répéter inlassablement les mêmes réactions face à son anormalité... enfin il reprit, finissant de répondre à la question de son interlocuteur.

"Je ne vous veux pas de mal non plus, je n'en veux à personne..."

C'était une des choses qu'il avait du mal à comprendre...le Mal... La morale des autres lui échappait. Ainsi que leur comportement... pourtant c'était lui que l'on considérait comme étrange. Mais bien que chacun tente de le convaincre de changer, lui répétant que c'était lui qui n'était pas normal, il ne pouvait s'empêcher de penser la même chose à leur égard. Entre le monde et lui, c'était le monde qui était bizarre. Pourquoi la majorité serait-elle synonime de normalité?

Enfin, avec un peu de chance, Camille serait assez différent pour se révéler intéressant. Au bout d'un certain temps, voir les mêmes attitudes, les mêmes personnalité devenait parfois lassant, même si Raphaël ne cesserait de s'étonner devant la "normalité" des autres.
Une chose déjà lui avait plu: son interlocuteur l'avait appelé monsieur, cela signifiait qu'il le prenait pour un jeune homme, non pour un être assexué comme certains le pensaient.
En tout les cas, l'humanoïde était déjà plus calme, moins sur la défensive, et prêt à dialoguer avec Camille. De plus, les présentations étant faîtes, la discussion en serait facilitée...bien plus que s'il s'était fait traité de monstre ou de perversion de la nature...

La tension s'effaça avec les paroles du jeune homme. De tout son être physique il inspirait la crainte et la peur, de toute sa personne mentale, il dépeignait la psyché d'une nature fragile, un enfant ou un animal perdu. A première vue en tout cas. A première vue. Mais le coeur et l'âme de cet être à la dualité si prononcée devait être très étrange, labyrinthe étrange et vicié entre l'innocence de ses sentiments et les excès de rage qui avaient nécessité cette armure et ces armes, ou peut être victime des pires sévices contraint de survivre n'importe où dans n'importe quelle circonstance, voir même un ancien assassin devenu amnésique ? Camille ne savait pas vraiment comment appréhender Raphaël, mais il semblait inoffensif. Et Camille souhaitait s'aventurer plus avant dans cette entrevue, que se soit pas l'attrait du mystère de cette dualité, ou pour le plaisir de croiser un noctambule au discours loin de toute convention et habitude.

"Je suis enchanté, monsieur Raphaël. Je vous pris de pardonner mon incorrection si celle ci vous avait blessé ou chagriné. He bien maintenant que les présentations sont faîtes et que nous sommes tout deux rassuré sur les desseins de l'autre, puis je m'asseoir à vos cotés quelque temps ? Pour discuter peut être, ou ne serais se que pour goûter à la douceur nocturne. Cela dit je ne souhaite nullement vous importuner, si ma présence vous gène je peux aisément le comprendre, moi même je me gène parfois alors autrui ..." répondit Camille en souriant doucement, sur le ton de la plaisanterie légère et de la douce révélation.

Il n'attendit pas vraiment la réponse de Raphaël avant de s'avancer de quelques pas encore, sans toutefois s'asseoir immédiatement, la prudence autant que la politesse le poussant à attendre la réponse de son interlocuteur et compagnon.

Tout en observant les traits et les gestes de Raphaël, lorgnant parfois discrètement vers les mains d’argents sur lesquels quelques rayons de lune se brisaient de manière élégante, Camille songeait à l’effet que cela devait procuré sur des personnes moins curieuse que lui, où plus sujette à la crainte pour leur vie. Cet homme devait leur paraître démoniaque avec son apparence d’ange contrasté par ces armes mortelles. Mais pourquoi ? Pourquoi quelqu’un se parerait il d’une arme aussi visible tout en possédant ce caractère d’apparence si … innocent ? Cela n’avait pas vraiment de sens. Soit il avait subit, soit … en fait Galineas ne voyait pas d’autre raison. Tout comme il ne voyait pas l’intérêt d’imputer à quelqu’un pareil lames si le caractère ne suivait pas, une perte autant de temps que d’argent semblait il. Alors pourquoi ?
Néanmoins, malgré toutes ces questions, Camille avait décidé de ne pas parler de ses mains au jeune homme. Peut être de son passé, mais seulement si celui-ci y consentait. En bref, il ne voulait pas froisser Raphaël, autant parce qu’il n’aimait pas faire souffrir les innocents que parce que l’homme l’intrigué et que Camille ne voulait pas le voir disparaître en quelques enjambées.

Encore une fois, Raphaël intriguait, et le jeune homme qui lui faisait face semblait torturé par maintes question. Mais le temps fait accepter beaucoup de choses, dont entre autre le fait qu'il semblerait ne pouvoir jamais faire partie entièrement de ce monde, qui pourtant recelait maintes créatures. Il devait bien s'en trouver des plus bizarres ou curieuses que lui... Quoi qu'il en soit, il avait fini par accepter le fait de ne pouvoir réellement vivre en société, et hantait Adhénor, entouré de nature, nimbé de solitude.

Puis vint la réponse de son interlocuteur, qui semblait heureux d'épancher sa soif de paroles, de mots dansant avec les flocons. Il semblait venir d'un milieu élevé, son langage, ses manières trahissant une certaine éducation et un cercle fermé: celui des "privilégiés". Même si l'humanoïde n'avait pas bien compris en quoi il étaient privilégies. Passer son temps dans des complots, des trahisons, courir après la gloire, la puissance, la richesse...quels buts bien dérisoires! Et pourtant, quel entrain, ou plutôt quel acharnement ils mettaient à ce jeu ridicule. C'est à croire que plus on montait dan les sphères de la société, et plus les gens étaient bas. Cela déroutait Raphaël, car son créateur lui avait dit que les véritables aristocrates devraient être ceux qui possèdent la noblesse du coeur et de l'âme. Etaient-ils donc tous des imposteurs, ceux qui prétendaient à des titres, des rangs...? Mais il chassa ces considérations et répondit à Camille.

"Vous pouvez vous assoir le temps qu'il vous plaira, votre compagnie ne me dérange nullement...sinon je serais déjà parti."

Il ne pouvait s'empêcher, malgré les leçons de son "père", de garder ce côté candide, de dire parfois la vérité avec des mots simples et sur un ton tout à fait innocent même si cela était blessant. Il ne voyait pas le mal qu'il y avait à dire ce que l'on pensait, et ne se rendait pas toujours compte qu'il pouvait vexer voire offenser les autres. Et pourtant il était loin d'être égoïste ou égocentrique, il était juste...décalé, hors du monde, connaissant si peu la société...