Bureau du Directeur

40ème étage. Bureau du Directeur.

Une grande salle aux tons vermeils et argenté sobrement meublée. Un vaste bureau en pierre d'obsidienne noire et matte trône face aux baies de verre teinté au sud de la pièce, vers le centre de la ville. Agrémenté d'un opulent fauteuil de cuir et d'une simple lampe aux reflets argenté éclairant le pupitre de l'ordinateur implanté dans la pierre, l'endroit reste impeccablement rangé, hormis quelques rapports et autres feuilles administratives qui viennent orner la table lorsque le maître des lieux vient y remplir ses fonctions.

La pièce se prolonge sur un luxueux salon. Quelques fauteuils, un long canapé de cuir noir, une table basse transparente, un bar de marbre et de métal, l'ambiance en ces lieux est feutrée et intimiste, propice au silence et à la réflexion. Une télévision enchâssée dans le mur donne une illusion de détente à l'endroit trop sérieux.

Une grande partie des murs de la salle est formée de portes et de tiroirs aux teintes neutres et sombres. Dans ces tiroirs, rapports et dossiers confidentiels, et la plupart nécessitent une clé ou un code pour être ouvert.

L'accès à cet étage se fait par l'ascenseur principalement, et sous surveillance, lorsque le Directeur n'est pas dans les locaux, seule une personne haut placée au sein de l'Hinra peux espérer pénétrer la salle.

Le calme nocturne entouré la ville d'un cocon silencieux, le monde diurne lentement s'était assoupi pour quelques heures de tranquillités, et déjà le monde nocturne s'éveillait, surprenant les derniers inconscients encore levés à cette heure. Quelques fenêtres éparses brillaient de lumière, confèrent à la ville des allures de firmament étoilé. Là des couples s'enlaçant, ici un écrivain en pleine transe créatrice, quelques âmes oeuvraient à la création du futur de ce monde. Quelques hommes d'affaires discutaient finances dans des restaurants huppés, d'autres finiraient leur vie exsangue dans une sombre ruelle, ayant croisé un vampire en chasse illégale au sein de la ville. Ainsi fonctionnait l'univers insolite d'un Leidenstal nocturne.

Debout devant les vastes panneaux vitrés du 40ème étage du siège de l'Hinra, le directeur observait la ville à ses pieds. Un verre à la main, une sonate en fond musicale, il goûtait pleinement ses récentes fonctions de Directeur de l'Hinra. Posé sur son bureau, un dossier ouverts, tout documents disséminé alentour, et une pile de feuille griffonnée de calculs et de réflexions à peine lisible.

Et le spectacle de cette cité ne parvenait pas totalement à le distraire, ses projets défilant dans sa tête, analysant sans cesse les potentiels erreur qui pourrait profiter à l'adversaire. Car il y avait des adversaires à sa politique, et il comptait bien les empêcher de nuire.

Sur la table du petit salon, un deuxième verre attendait son futur propriétaire. Pas d'alcool cependant, Lucile n'appréciant que modérément les réflexions que fait naître ce genre de boisson. Il est vrai que pour sa part, il disposait d'un tout autre moyen pour se sustenter, et c'est d'ailleurs uniquement par plaisir de sentir le verre froid sous ses doigts que Lucile s'en était saisi, faisant négligemment tournoyé les glaçons fondu.

Comme de coutume Violin et lui discuteraient sans doute une bonne partie de la nuit, mais cette fois ils avaient le champs libre pour agir ...
Violin et lui avaient d'ailleurs décider de se réunir afin de discuter de leurs objectifs respectifs au sein de l'Hinra.

* Mince…*

La panique commençait à créer un joyeux méli-mélo dans l’esprit de Kaelin. Une mèche impatiente lui balayait le visage et dansait au grès de ses pas, chatouillant en passant ses joues empourprées. Déjà la semaine dernière, mécontente de sa prestation lors de l’entretient, la honte l’avait tiraillée, l’irritant au possible. Pourtant, les yeux de Lucile l’avaient observés avec tant d’intensité depuis le couloir, qu’elle su que l’objectif serait atteint. Depuis, un désagrément bien plus déstabilisant l’habitait, arme de la réussite glissant le long de ses doigts, la confiance virevoltait au dessus d’elle, la narguant de ne pouvoir être à nouveau saisie. Assurément, ce n’était ni Balzac ni Baudelaire qui avaient restreint son imagination, les séances de lecture dans le parc avaient été un plaisir, mais l’inactivité se révélait néfaste à présent. En escaladant les grandes marches à l’entrée de l’Hinra, la jeune femme tira nerveusement sur sa petite jupe noire, masquant illusoirement l’indiscret défaut. Aujourd’hui elle ne faillirait pas, malgré son bas noir effiloché.

Les rayons de lune et les quelques lueurs provenant des maisonnées illuminaient la cité tout entière. Dans le ciel la tour de l’Hinra brillait comme un phare, lui rappelant sans cesse la raison de cette impromptue promenade nocturne. Toute la journée, Kaelin s’était appliquée à rédiger un rapport indigeste détaillant ses objectifs au sein de l’Hinra, et ce soir il fallait accourir dans le bureau du directeur pour discuter du laborieux travail accompli. Grâce à une clef que Lucile lui avait délivrée, la jeune femme avait pu pénétrer dans l’établissement sans aucune difficulté.

Inondé de calme les bureaux du rez de chaussée trônaient dans l’obscurité, impassible, telles des statues dénuées de charmes. Entourée de si peu d’humanité, l’endroit s’apparentait à un hangar sans vie et sans couleur. Kaelin frissonna…Le bruit de ses talons foulaient rapidement le sol, chantant joyeusement dans l’air une douce symphonie. Sans se retourner, elle tentait de paraître confiante, mais la désagréable impression d’être épié planait dans l’atmosphère…

La lueur rougeyante d'une cigarette se fit apercevoir dans la pénombre, laissant deviner la silhouette d'un homme appuyé nonchalamment sur le chambranle d'une porte. Le regard de l'être semblait peser de tout son poids sur les épaules de Kaelin, la faisant frissonner. Camille souffla vers le plafond, laissant s'échapper un nuage de fumée aux formes étrangement agressive dans les ténèbres de la pièce ...

Il ne dit rien, poursuivant son observation silencieuse de la femme qui venait d'entrer. Elle ne semblait pas vraiment confiante dans cette obscurité, pauvre petite souris pénétrant la tanière d'un chat espiègle. Combien de temps tiendrait elle avant de se faire dévorée ? Une semaine ? Un mois ?
Une nuit ?

Sa cigarette venait d'achever de se consumer, et Camille la jeta dans un cendrier où une dizaine de mégos s'entassaient, seules traces de sa présence ici depuis les deux dernières heures. Il avait reçu l'ordre de l'attendre et, si possible, de l'accompagner.
Camille adoré la fausse diplomatie du directeur. "Si possible". Comme s'il avait réellement le choix d'obéir ou non. Avec un soupir de lassitude Galineas se redressa, laissant sa main traîner dans sa longue chevelure.

" ... bonsoir Demoiselle" dit il en s'avançant, brisant le silence pesant de sa voix froide.
Il s'arrêta face à un mur, sa main pressant un bouton qui s'illumina d'une lueur verte alors qu'un vombrissement sourd naissait dans le hall, bruit caractéristique du déplacement d'un ascenseur entre les étages.

Puis, se tournant vers Kaelin :
"Il vous attend. Et il a impatience de vous entendre." poursuivit il, jouant volontairement avec les nerfs de la femme.

« Je connais parfaitement le chemin menant au bureau du directeur, je doute donc fort de votre utilité.»

Kaelin répondit mécaniquement, un léger sursaut secouant son corps lorsque la voix du bellâtre flotta dans les airs. Les mots justes s’étaient frayé un chemin sans encombres, froids et blessants, ils brisèrent le silence de la surprise dont elle fut victime. Les quelques secondes passées dans le couloir avaient été un calvaire, baigné dans une obscurité peu rassurante, une embuscade digne des films à suspens semblait avoir été manigancé. La jeune femme avait eu raison de se méfier car l’abject projet était bien réel, toutefois, elle été rassurée de constater que son imagination débordante avait inventé un scénario pire que ce qu’il se révélait être. L’objet de sa crainte ignorait dépeindre l’habile tour d’un inconnu au service de Lucile.

Cela faisait peu de temps que Kaelin était en sa compagnie, mais déjà l’inconnu l’agaçait. Alors qu’il avait pu la dévorer des yeux, s’extasiant de sa grâce, l’homme se contenta de l’aborder imperturbablement, ignorant tout de la courtoisie. Son air désinvolte et désintéressé contrariait son égo, et l’impression d’avoir un garde pour lui dicter une conduite à suivre, déplaisait à la belle.

Dans l’ascenseur, le lourd silence réservé au gens peu sociables stagnait dans l’atmosphère. Kaelin appuyée dans un coin, songeait à attirer l’attention de l’insolent. Poussant un soupir hypocrite, les reins de la muse se cambrèrent en un déhanchement subtile, offrant aux yeux de l’employé un appétissant spectacle.

« A qui ai-je l’honneur ? » annonça t –elle, un sourire mutin illuminant ses lèvres carmin.

Autant pour le plaisir d'agacer que par lassitude, Camille ignora totalement les attentions de Kaelin. Jolie, elle l'était, et plus appétissantes que nombre de ses anciennes maîtresses et victimes. Mais Camille n'appréciait que peu la fausse certitude confiante qui se dégageait de la jeune femme. Elle se savait belle, et entendait être jugée ainsi, bien qu’elle ne le dirait jamais elle même. Fort bien. Camille n'était pas là pour répondre à ce genre d'attente, et de toute façon il doutait qu'elle puisse vraiment apprécier le genre de traitement spécial qu'il réservait à ses élues nocturnes.

Si encore elle avait eut quelque tact charmeur ...

L'ascenseur dévorait rapidement les étages, et l'ascension serait courte. Malgré cela, le silence trouva sa place dans l'espace exiguë, et si Galineas n'en fut pas gêné, Kaelin se senti rapidement obligée de briser cette absence de conversation.

« A qui ai-je l’honneur ? » annonça t –elle dans une pose aguicheuse, ce qui fit pousser un petit gloussement caustique à Camille.

"Monsieur Galineas, agent oeuvrant pour le compte direct de Monsieur le Directeur." Pourquoi en dire plus en face de quelqu'un qui "doutait fort de son utilité", surtout quand lui même trouvait cette mission rébarbative et dénuée d'intérêt. Mais par forme et par politesse il ajouta tout de même

"Enchanté, Dame Kaelin."

L'ascenseur arriva, laissant coulisser les panneaux métalliques dans un tintement cristallin, dévoilant un couloir de quelques mètres. Au bout du couloir, la porte du bureau de Lucile, entrouverte.

"Il vous attend." réitéra la voix neutre de Camille.

Désireuse d’échapper à l’ennuyeux employé, Kaelin s’engagea dans l’exiguë couloir sans se retourner, son regard fixant intensément le petit point noir de la porte flottant comme un pavillon au large. Il fallait être aveugle ou idiot pour ne pas remarquer ce charme inouïe dont elle était dotée, toutefois le passéiste agent jouait les prudes, sans consentir à se laisser prendre au doux piège que proposait la créature. Au début, la jeune femme aspirait à se venger, blessée dans son amour propre et vexée, elle hésitait entre l’indifférence ou la provocation en guise de châtiment. Car la belle n’avait pas à douter de ses attraits plus que gratifiants, dégageant un magnétisme indéniable que nul autre ne possédait. Elle était bien trop fière et déjà l’objet de tant d’attentions de la part de courtisans, sensibles à la beauté comme le poète au vers, que l’insignifiant fonctionnaire paraissait insipide. Si seulement un soupçon de séduction lui avait été accordé à la naissance, le jeu en aurait valu la chandelle…

Après avoir effectué de grandes enjambées en direction du bureau, Kaelin se trouva noyée dans les ténèbres de la porte, une fois le trajet achevé. De ses fines mains, trois brefs coups s’échappèrent, percutant l’ébène avec vigueur. Alors la porte daigna s’entrouvrir lentement, offrant ainsi aux yeux de la muse un endroit sombre mais étrangement serein, propice à la réflexion. Cherchant des yeux l’intimidant directeur, Kaelin osa les premiers mots, la gorge nouée d’appréhension. Lorsqu’elle distingua une silhouette longiligne, immobile face aux vastes baies vitrées, sa voix parut confiante :

« Bonsoir Lucile… »

Lucile détourna la tête du spectacle que lui offrait la ville, souriant à la demoiselle qui venait de passer la porte de son bureau.

"Bonsoir Kaelin, ravi de vous revoir !" dit il d'un ton apparemment sincère.

Et le directeur se dirigea vers elle d'un pas serein, son regard jaugeant l'arrivante. Elle était stressée c'était indéniable, mais s'évertuait à le cacher. Et ma fois, elle y parvenais plutôt bien. Un sourire enjôleur, séducteur sans être commercial, une tenue agréable et simple la mettant en valeur, le regard droit et confiant bien qu'un peu trop insistant. Et cette hauteur dans la démarche, la confortant dans son apparence de femme superbe, bien que mal à l'aise pour l'occasion ... Elle avait du talent. Beaucoup de talent même, et c'était d'ailleur la raison à sa presence en ces lieux.

Lucile lui sourit encore d'avantage en lui tendant la joue pour une chaste et fonctionnelle embrassade, trouvant un certain plaisir à humer le parfum suave du corps de sa seconde.

"Hé bien commençons de suite, si vous désirez vous asseoir ..." proposa Arthus en désignant d'un geste un des sombre fauteuil de cuir dans lequel le vampire aida Kaelin à s'installer, s'essayant à son tour dans un des fauteuils attenant.

"Alors. Je ne doute pas le moins du monde que vous ayez achevé le rapport que je vous avez demandé. Et je voudrais vous certifier une chose, je veux que nous puissions travailler ensemble, sur un pied d'égalité. Vous m'êtes d'or et déjà indispensable Kaelin, et je suis impatient d'entendre vos idées sur la politique de la maison. Alors, Kaelin, pourquoi êtes vous ici ?" déclama Lucile d'un ton agréable et souriant.

« Alors, Kaelin, pourquoi êtes vous ici ? »

Ces quelques mots flottaient dans l’espace, tels des bulles de savon impatientes de titiller les nuages, ils ne parvenaient pas à effleurer l’esprit de la demoiselle. Suspendus aux lèvres de Kaelin, ils avaient été les derniers prononcés par la doucereuse intonation de Lucile, et c’était pour cette unique raison qu’ils embaumaient l’atmosphère, sans s’être fait engloutir par l’inconscient déréglée de la jeune femme. Certes, la proximité du directeur la troublait, mais son comportement différait de celui qu’elle adoptait avec les autres hommes. Ici, point de jeu de séduction, ni de sourire aguicheur, c’était un homme autoritaire et particulièrement déstabilisant qui la fixait intensément. Kaelin n’usait pas de ses charmes avec tout les passants, et bien souvent s’adonnait à ce jeu sans le souhaiter réellement ; avec Lucile, elle défaillait, comme une frêle plume, désirant être saisie, ses certitudes et sa force de caractère glissaient sur sa peau frissonnante, échappant à tout contrôle, la faisant même douter de ses incontestables qualités.

En entrant dans le bureau, la pression devint palpable, pesant de tout son poids sur le moral et les nerfs de la jeune femme. Le fait de s’asseoir l’avait aidée à garder le peu de calme et de propos raisonnable qui lui restait. C’était la première fois qu’une réunion de ce genre avait lieu au 40ème étage, et la belle espérait que la sérénité baignerait en ces lieux lors d’une prochaine rencontre. Mais pour le moment, Kaelin se trouvait dans une situation bien embarrassante, son esprit lui jouait des tours, tournant et retournant toute pensée sensé en pelote.

Les joues empourprées, le souffle court, la muse sentait encore les lèvres de l’intrigant directeur posées sur sa joue. Ce baiser l’avait surprise, perturbée, et l’incessante question de Lucile errait dans son esprit s’apparentant à une annonce de gare, ce signal sonore strident et entêtant percutait les murs de sa conscience sans parvenir à y pénétrer. Heureusement que l’interlocuteur était aimable et souriait sans cesse, car doucement la confiance revint arrachant une explication confuse de sa bouche. Elle répondit très sérieusement, mais ses joues rougirent avant de pouvoir achever sa phrase. Le regard pénétrant de l’homme, la paralysa, l’empêchant de poursuivre le cheminement de son raisonnement bancal :

« J’ai en effet terminé mon rapport que je vous remet. De cette manière vous me donnerez votre avis, mais pour l’heure je souhaiterais que vous m’exposiez vos projet que je ne connais toujours pas. »

« Ma chère, mes projets sont ceux qu'énoncent les journaux officiels ! » répondit Lucile en souriant gentiment, sûr de lui.

Cette déclaration n'était que semi vérité, bien entendu, et il chercha quelques instants ses mots pour exprimer au mieux les variations qu'il comptait réellement perpétrer ...
Sondant le regard gêné de sa comparse, il se leva bientôt, se dirigeant vers une des fenêtres de la salle, invitant d'un geste la délicate humaine à venir contempler le spectacle à ses cotés ...

« Regardez, Kaelin. Voici Leidenstal, la capitale de ce monde. Et de quoi est elle faite ? Sur quoi repose réellement le pouvoir ? » Demanda Lucile sans vraiment attendre la moindre réponse.
« Sur la force. Je le déplore grandement, mais se n'est pour l'instant que cela. Diverses groupes organisés menacent l'organisation de Leidenstal en prétendant chacun représenter la bonne parole : d'un coté les exterminateurs des humains, de l'autres les assassins des non-humains. Et entre les deux, L'Eden, qui arbitre et n'intervient jamais. Le rôle de l'Hinra est d'intervenir dans ce conflit. Mon but est de faire en sorte que les deux partis belliqueux s'entretuent mutuellement.

Par cette lutte intestine, un climat de violence naîtra, et dans ce climat nous imposerons la loi martiale. Et dés lors, l'extermination de l'ADH et des Tueurs ne sera plus qu'une formalité. De même, les principaux fomenteurs de troubles pourront être facilement appréhendé, arrêter, et mit au secret. Mon predescesseur n’avait pas eut assez d’influence pour agir sur les leaders des camps adverses, grâce à un état de crise je pourrait avoir suffisamment de pouvoir pour agir là où cela s’avérait impossible jusque là.
Seule la mise en place de cette guerre est délicate à mettre en place.

Voilà pourquoi j'ai besoin de vous Kaelin. Je compte m'investir totalement dans ce but, et c'est pourquoi je compte sur vous pour régler tout le reste dans la journée, de mon coté je m'occuperait de régler la partie nocturne des agissements de l'Hinra. A vous la lumière, à moi l'ombre ... "
Son discours avait quelque chose de néfaste, l’ambition rongeait visiblement les envies du vampire, et le désir ardent de voir la société se plier à son rêve de paix et de tranquillité dans la toute puissance de l’Hinra … mais était se seulement cela, ses projets ? Et pourtant l’homme restait hermétique à tout sentiment réel et clair, n’en affichant pas un seul qui soit sincèrement identifiable et maintenant le mystère sur ses réelles pensées et motivations.

Tout en parlant, Lucile avait posé ses mains sur les épaules de la demoiselle, et la regardait désormais dans les yeux, la tête penchée sur le coté. Il prit soudainement conscience de cette promiscuité, sans toutefois la relâcher. Au contraire, il la tourna face à lui, observant de prés le visage de la jeune femme ...

"Je suppose que vous n'avez pas d'autres question ?" demanda t'il, sondant les pensées de l’humaine.

Cette nuit, la ville ronronnait sous une lune cristalline, ses faibles rayons baignant la paisible immensité de son calme nocturne. A travers les baies vitrées du 40ème étages, la vie paraissait comme suspendue, pourtant la capitale vivait dans le secret, ensevelissant sous des atours luxueux les douteuses altercations qui ne cessaient de naître dans les étroites rues du Leidenstal. Et Kaelin contemplait le spectacle passivement, surprise de découvrir le masque d’illusion que la cité se plaisait à revêtir lorsque l’apparence ne pouvait camoufler ces basses oeuvres. Depuis que le directeur ne sondait plus son regard, la jeune femme écoutait attentivement le discours de son supérieur, s’attardant sur chaque mots et ses significations potentielles, imaginant déjà mille et une manœuvres pour parvenir à ses fins. Bercé par l’apaisante voix de Lucile, la belle sentait la confiance brûler dans ses veines, retrouvant son intensité d’autrefois.

« A vous la lumière, à moi l’ombre… »

Il fallait avouer que le monologue du directeur était convaincant, anesthésiant même les réactions de la jeune femme, elle n’avait pu s’indigner de la furtive main posée sur son épaule. Ce ne fut que lorsque l’homme ralentit le rythme, espaçant toujours un peu plus ses mots, que la proximité devint flagrante. Ne sachant plus que penser, Kaelin ne s’opposa pas à la vague de chaleur dévorante qui consumait ses sens. Apparemment Lucile avait pris conscience de cette promiscuité, mais ne faisait rien pour y remédier. Au contraire, le directeur se plaça face à la muse et observa ses traits avec intensité, hypnotisé par le visage figé de la jeune femme.

Le regard de Lucile, plongé dans le sien, l’emplit d’une toute puissance. Kaelin sentit son souffle s’accélérer. Tout s’enchaînait vite dans son esprit, les minutes défilaient à une vitesse folle, mais ses gestes restait timide et hésitant, ralentis par l’incertitude. La belle détacha ses yeux de ceux de l’homme et les laissa errer sur son visage ; son nez, ses joues, son menton, tant de douces tentations à portée de main…Quand ils se posèrent sur sa bouche, de folles images vinrent hanter ses pensées, le désir se répandant dans son corps en une délicieuse faiblesse. La logique et la raison s’échappèrent alors, remplacées par des sentiments et des pulsions pleines de promesses. Lentement, ses doigts parcoururent le torse de la séduisante victime, s’affolant le long de son cou, ils achevèrent leur ascension sur ses lèvres humides.

Le cœur de Kaelin jouait du tambour, et dans sa poitrine l’orchestre s’intensifiait au rythme des caresses, incitant l’émotion dévastatrice à poursuivre son chemin. Les yeux désormais clos, la belle déposa les armes, égarant son âme en terrain interdit, leurs visages si près l’un de l’autre se découvraient nerveusement et la douce et chaude haleine de Lucile réchauffait les lèvres de la belle. A cette distance, la jeune femme ne parvenait plus à distinguer les traits du directeur, et son inconscient lui ordonnait d’approcher davantage. Le baiser manqua la savoureuse cible de quelques millimètres. Posé sur une peau sucrée et désirable à souhait, Kaelin respirait profondément, se délectant du parfum suave de son jouet. Pour rien au monde elle ne souhaitait quitter cet îlot paradisiaque.

« Lucile, je…je ne pense pas que…qu’une quelconque question vienne s’ajouter à cela… » susurra la belle, en un soupir tendancieux.